Premier post

Salemetsiz be / Zdrastvouitie !

Arrivé il y a près de 15 jours à Almaty au Kazakhstan, je finalise aujourd’hui les préparatifs avant le grand départ prévu demain* et en profite pour vous donner un aperçu de mes premiers pas en Asie centrale.

Petit retour en arrière, soit le 19 juillet. Après une journée de voyage ponctuée d’un dernier vol turbulent pour atteindre Almaty, je suis reçu à 5h30 à l’aéroport par Anna, aussi explosée que moi mais moins pâle et plus souriante. Nous nous sommes rencontrés seulement à deux reprises en France et, malgré ses doutes quant à la réalisation de ce voyage, elle m’a spontanément ouvert les portes de sa maison.

Je découvre le domicile de ses parents une heure plus tard, le temps de réaliser que le vélo a fait une escale prolongée à Francfort (réceptionné le lendemain, heureusement intact sous le carton déchiré). A peine sortis du lit, ils m’accueillent avec deux grands sourires et un petit déjeuner, assis devant les premiers multikis (dessins animés russes, créés par le studio national soviétique après la Seconde Guerre mondiale, réalisés en faisant défiler plusieurs dessins par seconde) que le papa d’Anna a plaisir à revoir régulièrement. L’occasion pour moi de mettre à profit mes cours de russe, avec un relatif succès dirai-je pour m’exprimer, avec l’aide d’Anna pour comprendre ses parents…

Le papa d’Anna, Sergueï, est d’origine ukrainienne, sa maman, Tatiana, d’origine russe. A la suite de la révolution bolchévique de 1917, notamment de la famine qui s’ensuivit et des expropriations, leurs familles ont émigré au pays des steppes, où Sergueï et Tatiana ont grandi. S’il s’est agi d’épisodes douloureux à l’époque, Sergueï et Tatiana évoquent avec une certaine nostalgie, ou bien avec fatalisme, je ne saurai dire, la vie au Kazakhstan avant l’éclatement de l’Union soviétique. Ingénieur, il travaille aujourd’hui régulièrement 6 jours sur 7, contre 5 à l’époque; l’augmentation du coût de la vie qui a suivi a obligé Tatiana à reprendre un travail ne correspondant pas à ses qualifications. Les retraites sont en outre aujourd’hui plus faibles et un emploi n’est plus acquis. Citons enfin qu’un couple marié se voyait offrir une maison pour s’installer.

Ces avantages ont disparu mais après quelques années d’adaptation, les perspectives du Kazakhstan sont optimistes, ce qui a amené de nombreux habitants des pays voisins à venir y travailler.

Pour illustrer le propos, je prendrai l’exemple de deux Afghans rencontrés à l’ambassade d’Ouzbékistan (l’avantage d’y attendre 4 heures est de pouvoir discuter…): après des études respectivement en Ouzbékistan et en Angleterre, Saïd (28 ans) et Muhammad (la trentaine) ont choisi de monter leur affaire à Almaty: les voitures pour l’un, le textile et les tapis pour l’autre. Trilingues, ils m’expliquent que le gouvernement laisse une plus grande liberté pour entreprendre (et de régler les différends…) que dans les pays voisins, notamment en termes de nature d’activité et de formalités administratives.

Pour l’anecdote, Anna et moi croisons Saïd quelques jours plus tard au parc Novaii (parc construit pour le premier président du Kazakhstan en 1991, N.Nazarbayev, toujours en fonction aujourd’hui). Témoin du mariage de son oncle qui venait y prendre des photos avec sa femme, il me propose de prendre part aux festivités. Mon accoutrement de touriste, ajouté à la gêne de laisser les parents d’Anna qui m’accueillent gentiment depuis déjà une semaine (alors que ce n’était pas prévu), m’obligent à décliner l’invitation. « Je te donnerai mon costume » dit-il. Hésitations… Trop tard, il est parti et je ne le reverrai plus. Quel nul!! Une belle occasion manquée de pouvoir partager cet événement si particulier dans une vie et révélateur de traditions.

L’exmple des échoppes au Zelyonii bazar (le grand bazar dans le centre de la ville) est également intéressant: en simplifiant grossièrement, chaque type de produit est représentatif d’une région ou d’un pays: les fruits et légumes sont vendus par des commerçants tadjike et ouzbèke, la viande par les kazakhs, les produits laitiers par les Caucasiens.

Almaty est une ville très cosmopolite (peu d’européens croisés cependant). Si elle ressemble en d’autres points aux grandes villes européennes (grandes enseignes commerciales étrangères et voitures européennes très présentes, larges avenues, quartier d’affaires flambant neuf), elle se distingue par la présence de ses parcs, regorgeant d’arbres fruitiers, et ses allées d’arbres qui bordent chaque rue. Il faut imaginer une grande ville de deux fois la taille de Paris, construite dans un oasis au pied de montagnes, dont les sommets tutoient les 5 000m.

A la fin de la première semaine, nous avons randonné avec la tante d’Anna et des amis dans ces montagnes qui font partie de la chaîne des Monts Célestes (Tian Shan). Elles offrent un panorama exceptionnel sur la ville et les steppes au nord, et nous y avons récolté des herbes pour le tchaï (thé infusé, boisson chaude la plus consommée en Asie centrale) ainsi que des champignons frais. Cette échappée m’a permis de d’apprécier l’hospitalité russe: après un déjeuner copieux et la cueillette sur des pentes abruptes, un prival (signifie pause « en montagne » en russe) s’est imposé. Pour réchauffer nos corps fatigués et refroidis par les nuages présents à cette altitude, nous avons ainsi partagé une flasque de vodka, consommée par petits shots à coups de « Za zdarovie! » (« santé! ») et (opportunément) accompagnée de cornichons et de sandwiches.

Au rayon alimentation, à l’exception des shashlyks (brochettes de viande cuites au grill et consommées dans toute l’Asie centrale) et manty (sortes de pâtes a choux fourrées à la farce de volaille / boeuf et cuites à la vapeur), j’ai plutôt goûté à la cuisine russe et je n’ai pas été déçu. Les repas (déjeuner et diner) se divisent traditionnellement en 3 parties (des bliouda), à savoir grosso modo le borch (bouillon auquel on ajoute du boeuf, des pommes de terre et de la crème fraîche, appelée smetana), le plat principal et les konfiety (sucreries, comme des morceaux de chocolat ou des troubotchkis) accompagnés de tchaï.

Au rayon des rencontres insolites, j’ai fait la connaissance de Youri, un agent de l’ex-KGB (l’ancienne agence de renseignements soviétique devenue FSB) dans un parc de la ville. La cinquantaine, corpulent et le visage rond coiffé d’une calvitie avancée, ses traits sont figés et son regard glacial. Avant de se présenter:

– Priatnava appetita! (Bon appétit), me lance-t-il

– Spaciba (merci), lui dis-je un peu surpris

– Nous discuterons quand tu auras fini de manger, poursuit-il en russe

– … bien …

–  Tu ne vas pas t’en aller si je m’assois à côté de toi, relance-t-il lorsque j’ai fini mon sandwich

– … non …?

Voyant que je comprends difficilement le russe, il fait des efforts pour parler distinctement et à haute voix, en utilisant des constructions de phrase simples, de sorte que les passants me regardent comme s’il s’agissait d’un attardé. Pas le temps d’en placer une, Youri déroule en me fixant dans les yeux: fier, il dégaine dans un premier temps sa carte avec sa photo d’officier avant de me parler de l’importance de Dieu dans la vie, de la boxe qu’il a pratiquée, de raconter des blagues et d’ajouter: « Toi, tu es un homme bien, tu regardes droit dans les yeux et ils ne trompent jamais ». « ?? … Merci Youri ». Nous nous quittons après avoir célébré notre rencontre autour d’un verre … d’eau.

Je finirai par le mot de la semaine: « rakhat » qui signifie « plaisir » en kazakh et qui est gravé sur le chocolat au lait très apprécié des kazakhs et très justement nommé « Kazakhstan ». Plaisir d’être en Asie centrale donc, plaisir également de commencer à en découdre avec ce périple préparé depuis quatre mois, ce malgré les fantastiques plats préparés par Anna, ces montagnes à peine découvertes aux portes de la ville et les multiki post diner avec Sergueï.

Bonnes vacances à tous!

*Mon départ a en effet été retardé d’une semaine à cause de l’obtention d’un deuxième visa ouzbek qui n’était pas prévu: une agence de voyage kazakhe et des connaissances à Almaty m’ont reporté de récents incidents au Kirghizistan à l’encontre de touristes kazkahes, malgré le retour au calme. Le sud du pays étant par ailleurs instable, ou plutôt non contrôlé ni visité (donc peu d’informations sont  disponibles), j’ai décidé à contre-coeur de ne pas traverser le pays des Monts Célestes. Je ne verrai pas ses montagnes ni les pâturages d’été des nomades mais pourrai découvrir la vallée de la Fergana en Ouzbékistan qui loge de superbes cités caravanières.

9 Réponses to “Premier post”

  1. Alex Says:

    Les perspectives de ton périple s’annoncent passionnantes. La plupart des petits détails que tu cites nous transporte un peu dans ton univers.
    je t’adresse mon support, Thibault ou plutôt Thibault de Monfreid maintenant.

    Courage,

    Alex

  2. ac Says:

    Fantastique ton blog…Je suis admirative de tous les progrès que tu y as ajoutés, bravo!! On s’y croirai presque, Jed a salivé à la vue des photos d’étalage de saucisses!!! j’ai précisé à Mc que , même là-bas elle pourrait avoir droit à sa ratatouille préférée!
    J’ai beaucoup aimé les photos de bâtiments communistes, cela m’a rappelé le musée du communisme de Prague.
    Je te souhaite bonne chance et t’embrasse bien fort.
    AC

  3. Delphine Says:

    Zdrasvouitié, Héros des Steppes!
    Aprés ces premiers pas déjà passionnants au Kazakhstan, comment se passe la suite de tes aventures?
    Rencontres insolites, paysages enivrants,… La suite du feuilleton, vite!
    Avec mes encouragements les plus affectueux,
    D.

  4. christophe Says:

    salut l’ami,
    j’ai suivi avec beaucoup de plaisir tes premiers pas dans ce pays qui à l’air bien différent, mais ou tu as rapidement pris tes marques et meme des habitudes avec les « multikis » par exempel!!
    bien beau voyage en tout cas msieur tibo, et même dans les moments les plus dur, dit toi que tu vis une expérience de laquelle tu tireras beaucoup d’enseignements…
    dès que tu peux nous en raconter un peu plus, n’hésite pas, nous sommes impatient!
    à bientot, bon courage, et celui qui conduit (meme un vélo) c’est celui qui ne boit pas!!!

  5. Cédric Says:

    Salut Thibault,

    C’est quand même un truc de fou ton périple, je suis admiratif…partir 8 mois avec 3 slips… franchement ça c’est la classe lol. Tu m’étonnes qu’après les français ont une réputation douteuse.

    C’est cool que tu fasses des rencontres et que tu arrives à te faire héberger. Les gens ont l’air vraiment acceuillant. Tu vas apprendre énormément pendant ce voyage et ça à l’air passionnant. Ca fait vraiment envie. La nourriture à l’air bonne et sur tes photos tu as l’air en forme c’est cool. Comment vont les cuisses ? Ressemble tu à un pistar maintenant ou plutôt à un grimpeur ?

    Bon courage à toi et donne nous des news régulièrement.

    A bientôt,

    Cédric

    • thibault83 Says:

      Salom l’auditeur voyageur!

      Toi qui aimes vadrouiller, il faut vraiment que tu (vous) te décides à faire un tour en Asie centrale, avec une priorité au Tadjikistan! En sacrifiant le confort, il y a tout pour se régaler: paysages pour des randonnées à pied, cheval ou vélo, accueil authentique (pour combien de temps?), pas beaucoup de touristes et franchement safe. Et à propos de destination, quelle était la votre cet été?
      Pour les sacoches, il a fallu faire des arbitrages; mais après un petit comparatif avec quelques cyclos rencontrés (discussion hautement philosophique!), je suis plutôt au dessus de la moyenne mondiale, avec le luxe d’un sous vêtement supplémentaire, qui ne sert en fait pas à grand chose quand tu ne peux pas te laver pendant 10 jours…
      Sinon les cuisses ça va, c’est plutôt les genoux qui prennent, et en particulier le gauche. La technique doit pas encore être au point…

      A plus et bon courage pour cette nouvelle saison!
      T.

  6. Olivier Says:

    Hello,

    J’ai l’impression que tu vas bien t’amuser durant ce voyage.
    J’imagine tellement ta tete avec ce sacre Youri…
    Ca reste un beau periple et ca ne m’etonne pas de toi, tu adores les challenges.

    Sois prudent!
    Olivier

  7. Dan Pospait Says:

    Mon cher Thibault,

    je suis très admiratif et fière de toi. C’est bien l’adolescent que j’ai connu il y 10 ans qui confirme mes intuitions de devenir un grand homme. Marcher, « pédaler », c’est bien entendu aller de l’avant, mais le corps n’est pas seul en action,l’esprit s’anime, les pensées défilent.
    T’es parti en quette de ton GRAAL intérieur et tu va revenir grandi. Dans la lignée des grands marcheurs, Abraham, Hérodote,Saint Paul, Aymeri Picaud, Marco Polo et plus récemment Théodore Monod encourageraient ton exploit.
    Je t’embrasse très fort, bon courage, soit fort.
    Sophie se joint a moi pour te soutenir

    • thibault83 Says:

      Bonjour Dan,

      Il faut que j’imprime et encadre ton commentaire!! Merci beaucoup à vous deux, Sophie et toi, pour vos encouragements. Je vous donne rendez-vous dans quelques mois pour un debrief oral et visuel autour de spécialités culinaires d’Asie centrale…
      D’ici là je vous souhaite une joyeux Noël, une belle semaine de vacances peut-être, et une heureuse année 2011, riche de beaux voyages (et de succès golfiques…).

      Je vous embrasse
      Thibault

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