Archive for the ‘Tadjikistan’ Category

Parfum d’Orient

11 novembre 2010

La svadba

Samedi, 13h, dans un parc public à Dushanbé. Loin de l’agitation et de la rumeur automobile du boulevard Rudaki, de jeunes amoureux partagent secrètement quelques moments d’intimité à l’ombre des nombreux kiosques de bois bordés de jardins fleuris. Sous un soleil rendant tout son éclat aux teintes automnales parant les nombreux arbres fruitiers, le parc constitue un havre de paix niché entre l’artère principale et les faubourgs soviétisés et saturés de l’est de la ville.

Alors que je me dirige vers la sortie principale, je suis surpris par un concert de klaxons qui ne trompe pas: il s’agit d’une svadba (célébration de mariage), ou devrais-je dire de plusieurs svadbas.  J’aperçois une poignée de couples en habits de mariage qui patientent au portail. Stationnées en file indienne, hummers, chevrolet et mercedes limousines louées pour l’occasion et lustrées jusqu’aux pneus rivalisent de blancheur et de longueur. Le mariage est un évènement unique dans une vie et les familles ne lésinent pas sur les moyens: parmi mes hôtes tadjiks et ouzbeks, certains épargnaient plusieurs années de salaire, et leur fils travaillait quelques mois voire années en Russie pour s’offrir une cérémonie de prestige; repas gargantuesques (la liste des invités est longue: la famille, les amis mais aussi les voisins et éventuellement les gens de passage, ce qui donne quelques centaines de personnes rapidement en considérant que de nombreuses familles comprennent pas moins de 4 enfants) et danses dans une salle prévue à cet effet constituent le programme des festivités nocturnes. Pour l’heure, il s’agit d’un des moments les plus importants de la journée, du moins le plus long: après avoir officialisé leurs unions civile et religieuse, les époux paradent en ville et se rendent dans les différents parcs* dans l’après-midi pour la séance photo.

Si le complet gris semble être la norme chez les hommes, les femmes et jeunes filles, coiffées d’un chapeau ou d’un simple fichu, revêtent ici leurs plus beaux atours traditionnels: les juties (mocassins portés en Inde notamment) accompagnent un salwar kameez** aux tons vifs, rehaussés par des parures dorées et imitation cristal.

Les badauds s’arrêtent, observent et commentent le défilé qui commence et durera toute l’après-midi. Le premier couple entre en piste, suivi d’un photographe et d’un caméraman qui choisissent les meilleurs spots, au grand dam des mariés qui peinent à progresser élégamment dans l’herbe grasse. Dans un décor romantique, ils deviennent alors les acteurs de mises en scène bollywoodiennes: la caméra réalise dans un premier temps une boucle à 360° autour des protagonistes, dont le regard est plongé dans celui du conjoint, les mains jointes et le buste subtilement penché en arrière; s’ensuit un cliché devant un parterre de fleurs pourpres, le mari agenouillé au pied de la mariée, cette dernière lui accordant le luxe de son regard et lui offrant nonchalamment sa main. Cela sous le regard attentif et amusé des demoiselles d’honneur…

Film et photos compilés, les festivités peuvent alors continuer.

* Les parcs des capitales (actuelles ou anciennes) en Asie centrale témoignent souvent de l’histoire du pays à travers certains symboles. Ceux-ci datent de l’époque soviétique (mémorial de la seconde guerre mondiale au parc Panfilov à Almaty) ou font souvent suite à l’indépendance et à la « construction » d’une histoire et d’une identité nationale (statue du fondateur de la nation tadjike à Dushanbé, statues de Tamerlan à Tashkent ou Samarcande), et constituent ainsi des lieux privilégiés pour les photos de mariage.

** Vêtement composé d’un salwar (pantalon bouffant, resserré au niveau de la cheville) et d’un kameez (tunique à manches longues), traditionnellement porté en Afghanistan, au Pakistan et en Inde.

Allah tout puissant

Tadjikistan, Dushanbé.

Après avoir passé la majorité de mes nuits tadjikes chez l’habitant et refusé diplomatiquement la proposition de mon colocataire d’une nuit de passer une semaine chez lui à Kojand*, j’interroge Iskander* sur cette attitude hospitalière peu commune chez nous:

–        Brat**, commence-t-il avant de poursuivre en anglais, l’invité est pour nous un cadeau d’Allah pour éprouver notre foi. Si tu offres ce qui t’appartient, Allah te récompensera en t’en donnant le double. Sont reçus comme des invités les amis et la famille, mais d’autant plus les gens de passage comme toi qui font un long voyage.

Il continue en m’expliquant avoir blessé ses amis qui souhaitaient le recevoir chez eux à Dushanbé, leur ayant répondu qu’il préférait l’hôtel pour ne pas les déranger…

Ouzbékistan, Tashkent.

La liste des sites d’intérêt arrêtée, je réalise qu’avec les demandes de visas turkmène et iranien je ne pourrai visiter le pays a vélo. L’occasion d’observer un rituel respecté par petits et grands avant d’effectuer un voyage en train, taxi ou bus, de la même manière qu’après tous les repas: l’amin. Paumes orientées vers le ciel et mains jointes, les passagers les passent sur leurs visages comme s’ils les nettoyaient, après avoir prié et remercié Allah, en l’occurrence de sa protection. Il est également observé à chaque reprise lorsque nous passons devant un cimetière ou une mosquée.

Ce rituel est le témoignage le plus fréquent de la foi islamique des habitants que j’ai rencontrés depuis le début de ce voyage, et semble s’apparenter plus à de la superstition qu’à une réelle pratique religieuse. Il n’est en effet pas rare de voir l’amin lorsque une bouteille de vodka est finie, le ramadan était rarement observé et le tissu que les femmes utilisent comme couvre-chef s’apparente plus à un fichu qu’au foulard islamique. La présence récente du régime soviétique pendant plus de 70 ans n’est sans doute pas étrangère à cette faible dévotion: entre autres, l’écriture arabe a été supprimée et l’essentiel des écoles religieuses, dont les madrasas***, fermées…

* Héritage d’Alexandre le Grand, général macédonien qui a conquis le territoire au IVè siècle av. JC et y a fondé notamment la ville d’Alexandrie d’Eskhate, aujourd’hui Khojand. Des hommes ainsi que des sites naturels portent en outre son nom, soit Iskander.

** « Frère » en russe

*** Désignant en Ouzbékistan des universités destinées à former les imams (dirigent la prière à la mosquée), elles dispensent des cours de théologie et d’arabe, mais aussi de mathématiques, de médecine, d’anglais etc…

L’ultime échappée montagnarde

11 novembre 2010

Carnet de route

Après quelques espressos italiens et gâteaux au fromage dans la capitale tadjike, il me faut reprendre ma bicyclette pour rejoindre l’Ouzbékistan voisin et y faire mes demandes de visas iranien et turkmène. Encadrée par les monts Fan au sud et un dernier sursaut des Tian Shan au nord, le long du fleuve Zeravshan, la vallée éponyme s’étire d’est en ouest jusqu’à Pendjikent, dernière ville avant la frontière et ancienne capitale des Sogdiens*. L’unique piste se décline en une succession de longs lacets d’asphalte et de pierres au pied de pentes abruptes. Oubliée l’insolente beauté naturelle du plateau oriental des Pamirs, la vallée distille ses charmes derrière chaque virage, dévoilant alors un panorama renouvelé.

Dans cet environnement peu prodigue aux tons cuivre et ocre, elle concède aux familles et à leur bétail quelques oasis de verdure bienvenues. C’est dans l’une d’entre elles que Khoubnoud a grandi et m’accueille pour une nuit. Jeune propriétaire d’un magasin d’alimentation prisé du village et habité par l’esprit du voyage, il m’assaillira toute la soirée de questions sur la France, l’Europe, mais aussi sur ces voisins d’Asie centrale qu’il n’a pas visités.

La panse remplie de kefir** et de fruits secs, je me remets en selle le lendemain et désespère rapidement de voir la vallée s’élargir et les montagnes disparaître à l’horizon. Les routes de montagne m’ont usé mais les décors m’ont plus que tout émerveillé, et je décide de m’accorder 2 jours de plus pour un dernier challenge montagneux: les lacs de Marguzor dans les monts Fan.

Ayant été averti de la difficulté du chemin, je me déleste (opportunément) de 2 sacoches à Pendjikent, située à 70 kms au nord de mon objectif. La première crevaison réparée, je progresse en pente douce sur les 25 premiers kilomètres d’asphalte, avant de pénétrer dans une vallée étroite et aride, traversée par un torrent au cours tumultueux que suit la piste devenue poussiéreuse. Les moindres terres arables à flanc de montagne y sont exploitées et j’y retrouve des habitations de torchis juxtaposées, afin de disposer d’un maximum d’espace pour les cultures. Après un déjeuner chez un imam sur-vitaminé (en plus d’un débit oral rapide, il partait chercher les plats en courant pour ne pas me faire attendre), j’arrive enfin au premier lac, séparé du dernier de quelques 20 kilomètres.

Fonctionnant comme un système de vases communicants, les lacs sont séparés par de minces éboulements rocheux qui rendent l’ascension difficile. Le quatrième dépassé, la piste poussiéreuse se transforme alors en terrain de cross, options « gros rochers et pente raide » en niveau « difficile », m’obligeant à pousser le vélo par endroits sous le regard sans voix de quelques villageois. Déçus par les 5 premiers lacs, j’en suis alors d’autant plus bluffé par les 2 derniers: sous un soleil éclatant, les sommets dentelés se reflètent dans le miroir des eaux turquoises, magique!

* Marchands raffinés, intermédiaires des empires perses, romains et chinois, leur langue persanophone (d’origine iranienne) constituait la langue véhiculaire sur la Route de la Soie au début de notre ère.

** Sorte de faisselle salée consommée au petit déjeuner.

Reponses aux enigmes

1)      Il s’agit d’une meule pour moudre des grains de ble. Elle tourne autour d’un axe grace aux pales situees sous l’atelier, dont le mouvement est alimente par le cours d’un torrent.

2)      Il s’agit de grottes que des autochtones habitaient pour se cacher (accession difficile en raison de la pente raide) et riposter lors d’invasions. Utilisees jusqu’a l’arrivee des Sovietiques, certaines comportent meme un etage.

Quizz

1) Qu’est-ce qui distingue le Tadjikistan de ces voisins d’Asie centrale (Ouzbékistan, Kirghizistan, Kazakhstan, Turkménistan)?

  • Il possède le plus haut sommet
  • Il s’agit de la plus petite république
  • La langue nationale a des racines persanes
  • Toutes les réponses en sus sont vraies

2) Charade

  • Mon premier est la première lettre de l’alphabet
  • Mon deuxième se situe entre la naissance et la mort
  • Mon dernier est le dernier repas que prit Jésus avec les douze apôtres

Connu également sous le nom d’Abu Ali Ibn Sina, mon tout est un scientifique et médecin musulman d’origine tadjiko-persane, dont l’œuvre principale est le Canon de la médecine, utilisée par la médecine européenne jusqu’à la Renaissance.

Entre ciel et terre

9 octobre 2010

De Osh à Dushanbe en bref

Trajet: Osh – Sary Tash – Murgab – Alichur – Jelandy – Khorog – Ishkashim (Wakhan) – Langar (Wakhan) – Jelandy – Khorog – Dushanbe

Distance parcourue: 1 412kms

Durée: 21 jours

Vitesses min – max: 4,2 km/h – 41,4 km/h

Altitudes min – max: Osh (~200m) – col Aqbaytal (4655m)

État de la route: asphalte (62%), piste naturelle (38%)

Les plus: les grandioses panoramas montagneux, l’hospitalité pamirie, un bain dans des sources d’eau chaude après une journée de vélo, le restaurant indien de Khorog après 4 jours de nouilles et de pain

Les moins: l’absence d’asphalte dans les cols, les déchets plastiques sur le bord des routes et dans les rivières, la chaîne qui casse opportunément à 2 reprises avant des cols

Avant d’attaquer la lecture, je vous propose de vous mettre dans l’ambiance sonore avec ces 2 écoutes de Daler Nazarov, chanteur pamiri très populaire au Tadjikistan. Enjoy…

dame nagzarad k-az ghamat khun nagiriyam_

neki bimonad jovidon

Carnet de route

Après une nuit blanche occupée à chasser des moustiques affamés dans une chambre surchauffée, je quitte une ville d’Osh fantomatique le moral « dans les chaussettes »: quelques coups de pédale suffisent à faire ressortir un fort sentiment de solitude, après quelques jours de repos passés à échanger avec d’autres voyageurs et ma famille. Les expériences peu enviables de certains s’ajoutent aux interrogations qui occupent mon esprit à l’approche du changement de pays: comment réagir face au racket de policiers et de militaires corrompus? Vais-je parvenir à franchir à vélo ces 6 cols à plus de 4000m qui m’attendent dans des conditions climatiques capricieuses? Vais-je retrouver l’hospitalité kirghize et pourrai-je communiquer en russe avec les habitants?

Je parcours lentement les derniers kilomètres kirghizes sur un asphalte en pente douce, surchauffé par le soleil et battu par le bétail effectuant la transhumance hivernale et les camions chinois dégageant la poussière noirâtre du charbon qu’ils transportent. A mesure que l’altitude augmente, les arbres fruitiers et maisons de torchis s’effacent au profit d’un paysage minéral et aride, caractéristique du Pamir (*) oriental: s’y succèdent alors durant 350kms des vallées grandioses, bordées de glaciers et montagnes aux teintes rouges et vertes sur les pentes desquels roulent des vents puissants. Des lacs aux reflets azurs, bordés ci et là de tâches de sel, complètent la palette de couleurs.

L’espace ne manque pas pour de beaux bivouacs, et je ne boude pas mon plaisir à observer longuement la lumière du soleil couchant sur les cimes enneigées et le ciel étoilé avant de m’abandonner rapidement aux bras de Morphée.

En journée, les rencontres sont rares et j’enfile alors les kilomètres résigné, en cherchant une source de plaisir dans ce parcours solitaire. Les heures de pédalage se suivent et se ressemblent et des étincelles de plaisir surgissent alors incidemment: la sensation du thé chaud dans un corps refroidi par l’altitude, un vent de dos, les surprises que réservent les paysages changeants au gré du temps ou simplement la satisfaction d’être arrivé à destination sont des sensations brèves qui ont alors le pouvoir de changer la physionomie d’une longue journée routinière.

Faune et flore

L’eau et le teresken, petits arbustes servant de combustible pour cuisiner et se chauffer, sont les seules ressources qu’offre ce désert rocailleux aux quelques nomades vivant sur ce haut plateau.

Dans ce décor isolé vit une faune discrète et malheureusement trop sauvage pour se laisser prendre par mon objectif: renards roux, loups ou encore les moutons de Marco Polo, braconnés pour leur viande et caractérisés par des cornes en spirale pouvant atteindre 2 mètres de long. Je surprends en revanche quelques aigles, buses et serpents ou encore quelques familles de marmottes bruyantes, ayant fait le plein de graisse pour l’hiver.

Après la pluvieuse « cuvette » d’Alichur, je pénètre dans le Pamir occidental, formé par les fertiles vallées du Gunt (**) et du Wakhan où vit la majorité des 200 000 Pamiris. Le décor minéral laisse alors la place à des oasis de verdure, occupés par de coquettes maisons traditionnelles, faites de torchis et de pierres, surmontées d’une cheminée en verre et entourées de jardins fleuris. En ce mois de septembre, les familles sont affairées aux récoltes des céréales et des pommes avant la trêve hivernale.

La rencontre de la quinzaine

Depuis le début de ce voyage, il se passe rarement un jour sans que l’on me propose un tchaï ou une invitation à dormir. L’occasion d’expliquer à un septuagénaire aux opinions tranchées que les périodes du fascisme et du nazisme sont révolues et que italiens et allemands sont fréquentables; de tenter de répondre aux questions beauté d’un commandant de base militaire soucieux de ses problèmes de peau ; plus souvent de justifier le célibat à mon âge avancé de 27 ans (hors grandes villes, kirghizes et tadjikes se marient vers 20-22 ans) et l’objet de ce long voyage si je ne suis pas payé pour le faire. L’occasion également de découvrir la gastronomie pamirie: chir choï, assiettes de pommes de terre à l’huile et œufs brouillés, qurtob (salade fraîche composée de tomates, concombres, oignons, tranches de pain et yaourt).

Après les célébrations de l’indépendance tadjike et quelques currys inattendus à Khorog, je mets le cap sur le sud, direction le Wakhan. De l’autre côté du fleuve, l’Afghanistan et ses pentes abruptes creusées par d’étroits chemins empruntés par des mules; une dizaine de mètres seulement sépare par endroits la même ethnie, les mêmes croyances (religion Ismaélite) et les mêmes modes de vie. Subsistent sur les deux rives du Pyanj des ruines de forts bâtis sous l’empire Kouchan, qui contrôlait aux II – III siècles ap. J-C le commerce sur cette branche de la route de la soie.

Passé le district d’Ishkashim où la vallée s’élargit et laisse entrevoir les sommets de l’Hindu Kush, je suis sollicité pour un cliché par deux sœurs récoltant du blé. Un petit bonhomme aux yeux rieurs, vêtements et mains trapues usés par le travail aux champs, casquette vissée sur la tête pour masquer une calvitie avancée me surprend dans le dos avec un franc « Assalam alaykum ». Il est 16h, sa journée de travail n’est pas finie et je décide de m’arrêter pour donner un coup de main avant de rester pour la nuit. Zevkabek a 55 ans et encore l’énergie de ses 20 ans: le poids plume transporte au pas de course les sacs de graines de 50kgs, stockés pour produire la farine nécessaire en hiver, alors que ses 4 filles préparent le diner. Son unique fils est parti travailler en Russie comme ouvrier dans le bâtiment, comme dans de nombreuses familles pamiries (***).

Je reçois la spartiate chambre d’invité d’une maison construite par Zevkabek dans le style pamiri: la pièce principale se compose de parties en terre cuite (ou en bois) surélevées, disposées autour de 5 piliers (représentant les 5 prophètes fondateurs de l’Islam). Elle sert à la fois de cuisine (four à pain sous une des parties), salle à manger, salon et chambre à coucher, et le toit plat comporte une ouverture constituée de 4 carrés concentriques (chor khona), représentant les 4 éléments du zoroastrisme: la terre, l’air, l’eau et le feu. La maison ne comporte qu’une fenêtre dans la pièce principale, ce pour mieux se protéger contre les rigueurs de l’hiver. Les photos de famille et de l’Aga Khan accrochées aux colonnes, une photo de la Mecque et une tapisserie colorent souvent cette pièce sombre.

Le diner laisse la place à une piste de danse improvisée: peu intimidées par la caméra, les 3 plus jeunes filles s’en donnent à cœur joie sur les clips de musique tadjike. Extraits…

Zevkabek est très bavard, ce qui m’oblige à une concentration de tous les instants. Niveau de vie en France, Islam et comparaison de la situation actuelle avec l’époque soviétique alimentent la discussion. Ici, pas de bibliothèque, de cinéma ou de terrain de jeu communal pour les enfants, qui s’occupent essentiellement aux champs quand ils ne sont pas à l’école. Quand je lui demande ce qui lui manque, il me répond avec un sourire sincère qu’Allah l’a pourvu de tout ce dont il a besoin: famille, maison et nourriture. Entendu…

Réveillé à 5h30 par l’odeur des œufs et les rires et disputes des filles, je me laisse convaincre de rester une journée de plus pour profiter de mes hôtes. Après une heure de travail et voyant que je ne suis pas resté pour reposant mes jambes, Zevkabek prend sa journée pour me faire la visite du propriétaire. Au programme: randonnée, festin interminable chez le frère avec les notables du coin et sieste sous les pommiers. Je tente un cours d’anglais en fin d’après-midi, qui tourne court, les sonorités de la langue vraisemblablement (ou de mon accent) déclenchant des fous rires à répétition…

Mes explications sur le poids de ma bicyclette n’y font rien, je dois lui ajouter 2 kilos de pommes et de pain. J’ai des fourmis dans les jambes et ne peux rester une journée de plus; je repars le lendemain, rasséréné par cet accueil familial que je retrouverai chez tous lesWakhis.

Énigmes de la quinzaine

  1. De quoi s’agit-il?

  • D’un atelier de fabrication de poudre d’escampette?
  • D’un moule à gâteau?
  • D’une meule pour moudre des graines de blé?
  1. A quoi servaient ces trous présents dans la roche?

  • De « miradors» pour surveiller les invasions et riposter?
  • De« terrier » pour animaux préhistoriques?
  • De réfrigérateur pour conserver des produits alimentaires au frais?

(*) Situés à la conjonction des Tian Shan au nord, du Karakoram à l’est (Chine, Pakistan) et de l’Hindu Kush au sud (Afghanistan), les Pamirs ont entre autres constitué la limite orientale de l’empire d’Alexandre le Grand, le terrain des explorations de Marco Polo ou encore le théâtre du « Grand Jeu » que se livraient les empires russe et anglais pour la conquête du territoire.

(**) Les fleuves Pyanj (frontière avec l’Afghanistan) et Gunt prennent naissance dans les Pamirs et forment principalement l’Amou Daria, le plus long fleuve d’Asie centrale qui se jette dans la mer d’Aral.

(***) Subventions, travail et matériel agricole ont disparu avec la chute l’URSS et la guerre civile qui a suivi l’indépendance. Peu d’entreprises sont implantées en raison des infrastructures réduites et elle survit grâce aux liquidités envoyées par la diaspora et l’aide financière de la fondation Aga Khan. Ce dernier est un descendant direct du prophète Mahomet et les Ismaéliens (obédience chiite présente notamment dans les Pamirs et sur la rive afghane du Pyanj) le considèrent comme leur chef spirituel (49è imam).