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Le compte à rebours turkmène

26 novembre 2010

Pas mécontent de retrouver ma monture après trois semaines passées dans les villes et les transports, je me dirige vers la frontière du Turkménistan où m’attend un petit challenge, que chaque cycliste souhaitant traverser le pays doit affronter: 495 kilomètres de quasi désert en 5 jours. Pourquoi s’imposer ces contraintes lorsque l’on dispose de quelques mois de voyage? Parce-que les autorités turkmènes en ont décidé ainsi, dissuadant les voyageurs de demander un visa touristique au processus long, cher et aboutissant sur une visite du pays accompagnée d’un fonctionnaire chargé de suivre vos faits et gestes…

Après deux heures de formalités douanières, je retrouve les champs de coton irrigués par des canaux empruntés à l’Amou-Darya ainsi que les maisons de terre séchée et de foin. Sur ses deux roues voilées et un cadre rouillé, le jeune Osman m’accompagne à vélo quelques kilomètres avant de me proposer un tchaï, que je refuse faute de temps. La deuxième grande ville du pays apparaît  rapidement, avec ses toits de tôle et ses usines soviétiques usées par le soleil et le temps. Passé les faubourgs de Turkmenabat, les barres d’immeubles en béton aux couleurs criardes et couvertes de paraboles laissent la place à une large avenue 2 fois 5 voies. De part et d’autre brille le blanc immaculé de gigantesques bâtiments administratifs, hôtels et théâtres, entre lesquels de hauts panneaux publicitaires citant les paroles du Président de la République vantent les mérites de la culture turkmène. Il est déjà tard et je fais quelques courses avant de rester à l’hôtel pour la nuit. L’occasion de rencontrer Shahzada et son groupe de copines au bazar, très curieuses de mon voyage et de la vie en France, et qui m’offriront le diner, une visite de la ville et un remède local pour guérir une laryngite persistante, rien que ça!

  

Entre Turkmenabat et Mary, 260 kilomètres de désert. Le Karakoum, composé de dunes et d’une végétation dispersée d’arbustes essentiellement, recouvre 90% du territoire dans lequel le style de vie nomade traditionnel des Turkmènes s’épanouit depuis plusieurs millénaires. L’Islam sunnite a également percé dans ce pays, et s’est mêlé aux croyances animistes séculaires. Le soleil omniprésent, les 15 °C et l’état de la route sont idéaux pour une traversée express du pays. Quelques maisons et huttes de paille interrompent par endroits la vue de ce néant à l’infini.

J’aperçois furtivement Mary, qui affiche les mêmes disproportions obscènes que Turkmenabat, pour me rendre à Hauz Han, dernière étape à 115 kilomètres de l’Iran. Après une nuit sans sommeil, ces derniers tours de roue me paraissent une éternité, sur une route mi-asphalte mi-graviers percée de nids de poule. Rassuré à la vue du poste frontière et chaleureusement accueilli par des douaniers impatients d’en finir pour fêter l’Eyd-e Ghorban*, je m’effondrerai de fatigue quelques heures plus tard en Iran, avec la sensation d’avoir traversé un drôle de pays…

* Marque le jour où Abraham a offert son fils en sacrifice. Il est traditionnellement célébré par le sacrifice d’un mouton.